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Refus de libération de Noureddine Bhiri et son renvoi devant la chambre criminelle dans l’affaire Jilani Dabboussi

La dixième Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Tunis a décidé, lors de sa session tenue aujourd’hui, de rejeter la demande de libération de l’ancien ministre de la Justice et dirigeant du parti Ennahdha, Noureddine Bhiri, ainsi que d’autres accusés, et de les renvoyer devant la chambre criminelle dans le cadre de l’affaire liée au décès de l’homme d’affaires Jilani Dabboussi, survenu le 7 mai 2014, quelques heures après sa libération de prison. Dabboussi était détenu depuis 2011 pour des accusations liées à la corruption et au détournement de fonds.

Détails de l’affaire et accusés impliqués

L’affaire judiciaire porte sur des accusations de « meurtre avec préméditation et complicité », dirigées contre plusieurs anciens responsables et parties impliquées dans le dossier. Le doyen des juges d’instruction auprès du Tribunal de Première Instance de Tunis a ainsi ordonné des mandats de dépôt contre :

  • Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice et dirigeant du parti Ennahdha.
  • Mondher Ounissi, dirigeant du parti Ennahdha.
  • Un ancien médecin de la prison civile de Mornaguia.
  • Un ancien procureur général près la Cour d’Appel de Tunis, aujourd’hui retraité.

En revanche, il a été décidé de maintenir l’ancien ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, en liberté sous caution, avec une interdiction de voyager et d’intervenir dans les médias et sur les réseaux sociaux, jusqu’à la fin des investigations sur son rôle dans l’affaire.

Contexte de l’affaire

L’affaire remonte à la mort controversée de l’ancien député Jilani Dabboussi alors qu’il était en prison. Plusieurs anciens responsables ont été accusés de négligence médicale ayant entraîné son décès. Ce dossier fait partie des nombreuses affaires rouvertes dans un contexte d’intensification des poursuites contre des figures influentes de l’ère précédant le 25 juillet 2021.

État de santé de Bhiri

Il est à noter que l’état de santé de Noureddine Bhiri s’est détérioré à plusieurs reprises en prison, où il est soumis à une négligence médicale systématique.

Bhiri avait été placé en détention forcée en dehors de tout cadre légal en décembre 2021, avant d’être à nouveau arrêté en février 2023. Il est actuellement emprisonné sans procès équitable et a entamé plusieurs grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention.

Des rapports de défense des droits humains indiquent que son état de santé est critique : il a perdu beaucoup de poids, souffre de maladies chroniques, et la membrane de son poumon gauche s’est rompue à la suite de tortures, sans qu’un traitement médical adéquat ne lui soit fourni. Il a déjà été transféré à l’hôpital après une détérioration de son état, mais les autorités tunisiennes continuent de dissimuler la réalité de ses conditions de détention.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie appelle à :

  1. Garantir le respect des normes d’un procès équitable et ne pas instrumentaliser la justice à des fins de règlements de comptes politiques.
  2. Rendre publiques toutes les preuves liées à l’affaire et assurer la transparence des procès pour éviter toute manipulation des procédures.
  3. Améliorer les conditions sanitaires dans les prisons et libérer immédiatement les détenus souffrant de graves problèmes de santé, notamment Noureddine Bhiri.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.