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Nouveau report dans l’affaire de la « réunion du soir de Ramadan » : Le procès de Ghannouchi et des dirigeants d’Ennahdha se poursuit malgré l’absence de fondement juridique

4 juillet 2025 – La quatrième Chambre Criminelle de la Cour d’Appel de Tunis a décidé aujourd’hui de reporter le procès dans l’affaire connue médiatiquement sous le nom de « réunion du soir de Ramadan » à une audience fixée au 30 septembre 2025. Cette affaire concerne plusieurs dirigeants du parti Ennahdha :

  • Rached Ghannouchi (président du parti, détenu depuis près de deux ans et demi)
  • Ahmed Mechergui (directeur de cabinet de R. Ghannouchi, également détenu depuis près de deux ans et demi)
  • Youssef Nouri (membre du parti, en détention depuis la même période)
  • Belkacem Hassan (ancien député)
  • Mohamed Goumani (ancien député)
  • Mohamed Cheniba (membre du parti et militant étudiant)
  • Mouaffak Bellah Kaabi
  • Abdallah Skhiri

Contexte de l’affaire :

L’affaire porte sur une réunion organisée durant le mois de Ramadan 2023 par le Front du Salut National, en solidarité avec les prisonniers politiques. La réunion était animée par Belkacem Hassan, et Mohamed Goumani y a présenté une intervention politique.

L’accusation principale portée contre Rached Ghannouchi repose sur une déclaration faite lors d’une diffusion en direct : « L’éradication, qu’elle vise les islamistes ou les gauchistes, est une recette pour la guerre civile. » Cette phrase constitue le fondement de l’inculpation, sans qu’une justification juridique claire n’ait été fournie quant à l’implication des autres prévenus.

Il convient de noter que Ghannouchi a déjà été condamné à 22 ans de prison dans l’affaire de la société médiatique Instalingo, et à un an et demi de prison dans une autre affaire connue sous le nom de l’affaire du “Taghout”, sur la base de l’interprétation des éloges funèbres qu’il a prononcés lors des funérailles d’un membre du parti Ennahdha.

Malgré cela, Ghannouchi boycotte toutes les audiences, qu’il qualifie de « mascarades judiciaires », refusant de reconnaître la légitimité de ce qu’il considère comme des procédures judiciaires politisées.

Position de l’Observatoire Tunisien pour les Libertés :

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie estime que le ciblage de Rached Ghannouchi et d’autres figures politiques et civiles s’inscrit dans une entreprise de purge politique visant à éliminer toute opposition au régime du 25 juillet.

L’Observatoire considère que le recours à des déclarations sorties de leur contexte pour fonder de graves accusations constitue une violation manifeste de la liberté d’expression et de l’exercice légitime de l’activité politique. La poursuite de responsables politiques pour des propos tenus lors de réunions publiques est une atteinte claire à la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Il condamne également la détention prolongée de Rached Ghannouchi depuis plus de deux ans sans base juridique valable, qu’il considère comme une détention arbitraire.

L’Observatoire appelle à :

  • La libération immédiate de Rached Ghannouchi et de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’affaire de « la réunion du Ramadan » ;
  • La fin des poursuites politisées et la clôture de toutes les affaires judiciaires fondées sur des positions politiques exprimées publiquement ;
  • La cessation de l’instrumentalisation politique du pouvoir judiciaire et la restauration des principes de son indépendance ;
  • Le respect du caractère sacré de l’expression politique et le droit de l’opposition de critiquer l’exécutif sans être passible de poursuites pénales.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.