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L’ONU condamne la détention arbitraire de Bechir Akremi, y voyant une grave violation du droit international

4 juillet 2025 – Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié un avis juridique condamnant la détention prolongée du juge tunisien Bechir Akremi, figure éminente de la magistrature. Le Groupe de travail considère sa détention comme arbitraire et constitutive d’une violation flagrante des normes internationales, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Une grave violation du droit international et un précédent dangereux pour l’indépendance judiciaire

Dans son Avis n° 2/2025, publié en avril dernier, le Groupe de travail a affirmé que l’arrestation de Bechir Akremi n’a aucun fondement légal et s’inscrit dans une campagne systématique visant les magistrats indépendants, suite à la décision du président Kaïs Saïed de dissoudre le Conseil Suprême de la Magistrature et de nommer un conseil intérimaire dépendant du pouvoir exécutif, compromettant ainsi l’indépendance de la justice en Tunisie.

Le Groupe de travail estime que la détention d’Akremi relève des catégories I et III de privation arbitraire de liberté, précisant que l’affaire constitue une violation directe de l’article 9 du Pacte international et de l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Contexte de l’affaire :

Bechir Akremi, ancien juge chargé de dossiers sensibles liés au terrorisme et à la corruption, a été révoqué en juin 2022 par décret présidentiel. Bien que cette décision ait été annulée par la justice tunisienne, les autorités exécutives ont refusé de la mettre en œuvre.

En février 2023, Akremi a été arrêté arbitrairement sans mandat, puis transféré à l’hôpital psychiatrique Razi sans base légale, sur la base de rapports médicaux contestables. Le Groupe de travail affirme que ces pratiques relèvent d’un schéma inquiétant d’intimidation judiciaire visant les magistrats qui défendent leur indépendance professionnelle.

Violations répétées de ses droits fondamentaux

Le rapport de l’ONU souligne qu’au cours de sa détention, Bechir Akremi a été soumis à :

  • Privation de sommeil
  • Interdiction de visite de son avocat
  • Réadmission de dossiers judiciaires déjà clos, en violation du principe de non bis in idem (non-cumul des peines)
  • Manipulation des procédures d’enquête et absence des garanties minimales d’un procès équitable

Le Groupe de travail considère que ces violations portent non seulement atteinte aux droits d’Akremi, mais minent également l’indépendance de la justice et envoient un message d’intimidation à l’ensemble du corps judiciaire.

Recommandations de l’ONU au gouvernement tunisien :

Le Groupe de travail demande aux autorités tunisiennes de prendre des mesures urgentes, en particulier :

  • La libération immédiate et inconditionnelle du juge Bechir Akremi
  • L’octroi d’une indemnisation juste et de réparations adéquates
  • L’ouverture d’une enquête indépendante et approfondie sur les conditions de sa détention et les violations subies
  • La traduction en justice des auteurs de ces violations
  • La réforme des lois et pratiques judiciaires pour les aligner sur les obligations internationales de la Tunisie

Le Groupe de travail a également saisi la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats afin d’assurer un suivi de l’affaire et de prendre toute mesure complémentaire qu’elle jugerait nécessaire.

Suivi :

Le Groupe de travail a demandé au gouvernement tunisien de l’informer dans un délai de six mois des mesures prises pour mettre en œuvre ses recommandations, et a souligné qu’il se réserve le droit de prendre d’autres mesures, y compris de saisir le Conseil des Droits de l’Homme en cas d’absence de progrès.

Position de l’Observatoire pour la Liberté en Tunisie :

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie salue cet avis clair et ferme de l’ONU, qu’il considère comme une preuve supplémentaire du caractère politique et vindicatif des poursuites visant les magistrats indépendants en Tunisie. L’Observatoire affirme que la détention prolongée de Bechir Akremi constitue une menace grave pour l’indépendance judiciaire et les libertés fondamentales, et appelle à une mise en œuvre immédiate des recommandations des Nations Unies, sans délai.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.