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L’étudiant Bilel Habhab arrêté pour un tag pro-Palestine : criminalisation des expressions de solidarité dans l’espace public

Le jeudi 8 mai 2025, des agents du Centre de la Sûreté nationale de Solimane Riadh ont arrêté l’étudiant Bilel Habhab, militant de l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET) et étudiant à l’École supérieure des sciences et technologies de la santé, pour avoir écrit un tag appelant au boycott de la chaîne Carrefour sur le mur d’un de ses magasins dans le gouvernorat de Ben Arous. Cette arrestation fait suite à une action militante que l’étudiant considère comme une réponse à l’implication directe de l’enseigne dans le soutien à l’entité occupante, dans le contexte de l’agression en cours contre Gaza et les territoires palestiniens occupés.

Bilel a été conduit au poste de police, où il a été interrogé avant que son dossier ne soit transmis au Parquet près le Tribunal de première instance de Grombalia. Il devrait comparaître devant le procureur ce vendredi 9 mai 2025, pour des chefs d’accusation non encore officiellement annoncés, mais qui pourraient concerner la diffamation, le trouble à l’ordre public, ou la dégradation de biens privés.

L’expression pacifique transformée en persécution

Bilel Habhab a écrit un slogan sur le mur d’une enseigne Carrefour exprimant son rejet de la position de l’entreprise vis-à-vis de la cause palestinienne. Il affirme que son acte était conscient, moralement et politiquement assumé, face à ce qu’il a qualifié de « silence mondial » face aux crimes commis contre les civils à Gaza.

Dans un long message publié en ligne, l’étudiant a réaffirmé son adhésion au boycott comme outil légitime de lutte contre l’occupation et le colonialisme. Il a insisté sur le fait que son geste sur le mur était un acte symbolique, né de l’absence de plateformes médiatiques libres et d’espace d’expression, et non un acte de vandalisme ou de destruction de biens.

La criminalisation grave d’un acte symbolique de solidarité

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie estime que l’arrestation et les poursuites engagées contre l’étudiant Bilel Habhab pour son expression symbolique de soutien à la Palestine constituent une violation flagrante du droit à la liberté d’expression et de solidarité, en particulier en l’absence de tout dommage réel ou de violence associée à l’acte.

L’Observatoire considère que la transformation de cet acte en affaire pénale reflète une tendance préoccupante à la criminalisation des expressions de solidarité et de l’engagement politique dans l’espace public. Cette démarche est en contradiction avec les engagements de l’État tunisien au regard des articles 22 et 37 de la Constitution tunisienne, ainsi que de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantissent la liberté d’expression, le droit à la manifestation pacifique et la solidarité avec les causes justes.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie condamne l’arrestation de l’étudiant Bilel Habhab, exige l’abandon immédiat des charges retenues contre lui. Il appelle aux autorités judiciaires et sécuritaires l’obligation de respecter le caractère pacifique et politique de l’acte, et de ne pas recourir aux lois pénales pour réprimer des actions symboliques liées aux droits humains et aux causes justes

L’Observatoire appelle également à :

  • Mettre fin à la politique de criminalisation systématique des formes d’expression liées aux causes justes
  • Respecter le droit des citoyen·ne·s à l’expression pacifique dans l’espace public
  • Protéger les étudiant·e·s engagé·e·s contre le harcèlement et les arrestations arbitraires

L’Observatoire réitère sa position de principe contre l’usage du système judiciaire et des forces de sécurité pour faire taire les voix de la jeunesse, en particulier celles qui s’expriment au nom de causes légitimes et largement soutenues par l’opinion publique, telle que la cause palestinienne.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.