Skip links

« Affaire de Complot 2 » : Audience reportée au 27 mai en raison de violations juridiques et d’accusations infondées

Tunis, 6 mai 2025 – La cinquième Chambre Criminelle, spécialisée dans les affaires de terrorisme auprès du Tribunal de Première Instance de Tunis, a décidé de reporter l’audience de l’affaire connue sous le nom de « Affaire de Complot contre la Sûreté de l’État 2 » au 27 mai, tout en rejetant les demandes de mise en liberté provisoire de tous les détenus. L’audience s’est tenue à distance, malgré les objections de l’équipe de défense, qui a dénoncé « une violation du principe de confrontation en personne » et « un contrôle politique de la procédure ».

L’affaire concerne 21 accusés, dont des personnalités politiques de premier plan telles que Rached Ghannouchi, Ali Larayedh, Abdelkarim Labidi, Mahrez Zouari, Habib Ellouze, Kamel Bedoui, Rayan Hamzaoui, Nadia Akacha, Youssef Chahed, et d’autres. Ils sont accusés de complot contre la sûreté de l’État, de formation d’un groupe terroriste, de financement du terrorisme et de tentative de renversement du gouvernement. Les accusations reposent uniquement sur le témoignage contradictoire d’un individu non identifié (le « témoin X »), sans preuve matérielle ni objet saisi pour les étayer.

Contexte juridique de l’affaire :

Selon les documents judiciaires et la décision de clôture de l’enquête, l’affaire est basée sur une analyse de communications ordinaires entre des individus de différentes tendances politiques, et sur des allégations qui n’ont pas été étayées par des preuves tangibles. Le parquet n’a présenté aucune preuve pour soutenir l’hypothèse de l’existence d’une organisation armée ou d’intentions de coup d’État, ni d’armes saisies ni de plans opérationnels réels.

  • Une analyse du dossier révèle que :
    Le témoignage du témoin secret est la principale source des accusations, et il est revenu plus tard sur une grande partie de ses déclarations.
  • Le parquet s’est appuyé sur des analyses interprétatives d’appels téléphoniques sans preuves directes.
  • Les enquêtes ont ignoré l’absence d’objets saisis et se sont basées sur des rapports d’informateurs.
  • L’affaire a été entachée de violations, telles que la mise en place d’une unité juridique estivale hors compétence, l’ignorance des demandes de la défense et le refus d’auditionner les témoins de la défense.

L’article 13 de la loi antiterroriste exige la présence d’actes matériels de violence ou d’intimidation, ce qui n’était pas le cas. L’article 72 du Code pénal exige la présence d’un acte matériel pour renverser le régime, ce qui n’a pas été prouvé par les faits ou les preuves dans cette affaire.

Position de l’Observatoire pour la Liberté en Tunisie :

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie exprime sa vive inquiétude face à l’évolution de l’affaire « Complot 2 » et souligne :

  • Le recours aux procès à distance et le refus de libérer les détenus sans justification légale minent les éléments les plus fondamentaux d’un procès équitable.
  • L’utilisation d’un seul témoignage contradictoire comme unique source d’accusation contredit les normes internationales relatives à l’intégrité des procédures judiciaires.
  • L’affaire illustre l’exploitation du pouvoir judiciaire dans les conflits politiques, où l’activité politique légitime est confondue avec des crimes terroristes pour discréditer l’opposition.
  • Le fait que le procès de ces figures coïncide avec de grandes transformations politiques renforce l’hypothèse d’un ciblage sélectif.

L’Observatoire appelle à :

  1. La libération immédiate des personnes détenues dans cette affaire.
  2. L’abandon des accusations, qui sont basées sur des fondements fragiles et non étayés.
  3. Une enquête sur les violations légales et procédurales, y compris la tenue des audiences à distance.
  4. Inviter le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur l’indépendance du pouvoir judiciaire à visiter la Tunisie.
  5. Il appelle les organisations internationales à suivre de près cette affaire et les autres dossiers de nature politique.

Partager

Plus d'articles

L’étudiant Bilel Habhab arrêté pour un tag pro-Palestine : criminalisation des expressions de solidarité dans l’espace public

Le jeudi 8 mai 2025, des agents du Centre de la Sûreté nationale de Solimane Riadh ont arrêté l’étudiant Bilel Habhab, militant de l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET) et étudiant à l’École supérieure des sciences et technologies de la santé, pour avoir écrit un tag appelant au boycott de la chaîne Carrefour sur le mur d’un de ses magasins dans le gouvernorat de Ben Arous.

Trois ans de prison et lourdes amendes contre Ridha Charfeddine : absence de proportionnalité et politisation de la justice financière

La sixième chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis, spécialisée dans les affaires de corruption financière, a prononcé une peine de trois ans de prison à l’encontre de l’homme d’affaires et ancien député du parlement dissous, Ridha Charfeddine, ainsi que des amendes dépassant 72 millions de dinars dans une affaire liée à des gains financiers réalisés à l’étranger sans autorisation de la Banque Centrale.

Perquisition au domicile familial d’Elyes Chaouachi : une nouvelle escalade sécuritaire cible les familles des dirigeants de l’opposition

Le lundi 26 avril, une unité sécuritaire a procédé à une perquisition au domicile familial de l’activiste politique Elyes Chaouachi, fils du prisonnier politique et ancien ministre Ghazi Chaouachi. Cette opération soulève des questions sur le maintien du ciblage des opposants politiques sous prétexte d’enquêtes liées à des affaires de « terrorisme ».

Agissez et contribuez à mettre fin à l'injustice !

Pétition en ligne : Liberté pour les prisonniers d’opinion et les militants en Tunisie !

La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.