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Peine de prison de 15 mois confirmée pour Rached Ghannouchi après un éloge funèbre

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a confirmé la condamnation du leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, à 15 mois de prison, assortie de trois ans de contrôle administratif, rendant ainsi la décision définitive et sans appel.

Détails de l’affaire : Procès pour déclarations politiques

Le 15 mai 2023, la Cour avait prononcé une condamnation préliminaire d’un an de prison et une amende contre Rached Ghannouchi (83 ans) pour ses déclarations lors des funérailles de Farhat Laabbar, membre du Conseil consultatif du parti, en février 2022. Il y avait décrit le défunt comme « un homme courageux qui ne craignait ni la pauvreté, ni un dirigeant ou un tyran, et ne craignait que Dieu ».

Les autorités ont considéré ces propos comme une glorification du terrorisme et une incitation à la violence, entraînant son procès sur la base du point huit de l’article 14 de la Loi organique n° 26 de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent :

Article 14 – Est considéré comme auteur d’un crime terroriste toute personne qui commet l’un des actes suivants :

Huitième : Pratiquer le takfir (excommunication de musulmans) ou l’appeler, ou inciter à la haine ou à l’animosité entre races, religions et sectes.

En octobre 2023, la peine a été alourdie en appel à 15 mois de prison, assortie d’une amende de 1 000 dinars (environ 333 dollars) et d’une surveillance administrative (sécuritaire) de trois ans.

Amnesty International a dénoncé cette décision, la considérant comme une escalade de la répression contre la dissidence en Tunisie. Rawya Rageh, directrice adjointe par intérim pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord d’Amnesty International, a accusé les autorités tunisiennes d’exploiter des lois formulées de manière vague pour arrêter et museler les opposants. Elle a souligné que la condamnation de Ghannouchi représente une évolution préoccupante du recul des droits humains et de la liberté d’expression dans le pays.

L’organisation a également indiqué que cette condamnation, fondée sur des déclarations publiques remontant à plus d’un an, met en évidence la nature politique du procès. Amnesty International a noté que Ghannouchi fait l’objet d’autres enquêtes criminelles, mais que cette affaire est la première de ce type à son encontre depuis la révolution de 2011.

Ciblage judiciaire des opposants politiques

Cette condamnation s’inscrit dans une série de poursuites judiciaires visant des opposants politiques et des critiques du gouvernement. Les autorités tunisiennes ont intensifié l’utilisation des lois antiterroristes comme un outil pour persécuter les voix dissidentes, suscitant une inquiétude croissante au niveau international quant à la détérioration des droits humains et des libertés dans le pays.

Rached Ghannouchi, ancien président du Parlement, fait face à neuf affaires judiciaires, dont la majorité n’ont pas encore été jugées, et qui concernent principalement des accusations à caractère politique ou fabriquées.

Appel à un procès équitable et à l’arrêt des procès politiques

L’Observatoire pour la liberté en Tunisie considère ce procès comme faisant partie d’une politique systématique de ciblage des figures de l’opposition par le biais de la justice. Il souligne que les accusations d’incitation, basées sur la loi antiterroriste, sont devenues un instrument d’exclusion des opposants et de leur emprisonnement.

L’Observatoire exprime également son inquiétude face à cette décision, qu’il perçoit comme une nouvelle étape vers une restriction accrue de la liberté d’expression et de l’action politique pacifique dans le pays, d’autant plus que l’accusation contre Ghannouchi repose sur une interprétation subjective de phrases religieuses prononcées lors d’une cérémonie funéraire.

À la lumière de ces développements, l’Observatoire pour la liberté en Tunisie appelle à :

  • La révision de ces condamnations, qui ne garantissent pas un procès équitable et reposent sur des interprétations politiques des faits.
  • L’arrêt de l’instrumentalisation de la justice pour éliminer les opposants politiques et assurer son indépendance vis-à-vis des directives politiques.
  • L’abrogation du contrôle administratif, qui constitue une restriction supplémentaire à la liberté de Ghannouchi après l’exécution de sa peine.
  • La protection de la liberté d’expression et du droit à une activité politique pacifique, sans crainte de poursuites judiciaires.

La politisation de la justice menace le processus démocratique

Le maintien de lourdes peines contre les opposants politiques, dans un climat politique tendu, renforce les doutes quant à l’intégrité de la justice et confirme que les procès sont devenus un outil politique par excellence. Ainsi, l’Observatoire pour la Liberté en Tunisie appelle la société civile ainsi que les organisations locales et internationales de défense des droits humains à suivre cette affaire de près et à œuvrer pour mettre fin aux procès sélectifs visant les opposants et les activistes politiques en Tunisie.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.