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Prolongation de la détention provisoire du leader d’Ennahdha, Noureddine Bhiri

La chambre d’accusation spécialisée dans les affaires de terrorisme auprès de la Cour d’appel de Tunis a décidé, le vendredi 15 novembre, de confirmer la décision du juge d’instruction au Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, qui a ordonné la prolongation de la détention provisoire du leader d’Ennahdha, Noureddine Bhiri, pour une durée supplémentaire de quatre mois.

Cette prolongation est liée à des accusations concernant des soupçons de falsification de passeports et leur remise à des individus recherchés dans des affaires de terrorisme. Le premier juge d’instruction au Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme avait déjà émis un mandat de dépôt contre Bhiri dans le cadre de cette affaire.

L’affaire inclut également d’autres arrestations, notamment d’anciens responsables sécuritaires, dont un ancien directeur général des services spécialisés au ministère de l’Intérieur, dans le cadre des enquêtes sur ces soupçons.

Légalité de la décision

Si la prolongation de la détention provisoire de Noureddine Bhiri a été effectuée conformément aux procédures prévues par la Loi antiterroriste et le Code de procédure pénale, avec des justifications claires, la décision est considérée comme légale sur le plan formel.

Inquiétudes juridiques

Malgré la légalité formelle de la décision, le recours à une détention provisoire prolongée sans procès définitif soulève de graves préoccupations quant au respect des droits de l’homme et des garanties d’un procès équitable. Ces préoccupations sont particulièrement importantes dans les affaires à caractère politique ou impliquant des figures de l’opposition, comme Noureddine Bhiri.

L’Observatoire “Liberté pour la Tunisie” estime que ces mesures s’inscrivent dans un contexte qui suscite des inquiétudes croissantes quant à l’utilisation de la détention provisoire comme outil politique visant à restreindre les libertés et à cibler les opposants, en particulier en l’absence de garanties d’un procès équitable et d’un strict respect des procédures légales.

Données juridiques pertinentes

Durée de la détention provisoire :

  • Selon l’article 85 du Code de procédure pénale tunisien, la détention provisoire peut être prolongée dans des cas exceptionnels avec l’approbation du juge d’instruction ou du tribunal compétent, à condition que la période légale de prolongation dans les affaires ordinaires ne dépasse pas six mois, renouvelables avec l’accord du tribunal.
  • Dans les affaires liées au terrorisme, la Loi antiterroriste (Loi organique n° 26 de 2015) accorde aux juges des pouvoirs élargis, notamment la possibilité de prolonger la détention provisoire sur des périodes plus longues, en tenant compte de l’intérêt public et de la bonne marche de la justice.

Nécessité de la prolongation :

  • La prolongation doit être justifiée par des raisons claires et explicites, telles que la complexité de l’affaire, la nécessité de poursuivre les investigations, ou des risques liés à l’influence potentielle du prévenu sur le cours de la justice.

Garanties pour les prévenus :

  • Le prévenu ou son équipe de défense a le droit de faire appel de la décision de prolongation devant le tribunal, et la durée de la détention doit être proportionnelle à la gravité des accusations portées contre lui et aux preuves disponibles.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.