La chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Tunis a décidé, lors de sa session tenue ce mercredi, de libérer l’activiste des droits de l’homme Sihem Bensedrine (74 ans), ancienne présidente de l’Instance Vérité et Dignité, tout en lui imposant une interdiction de voyager, selon le porte-parole officiel de la Cour d’Appel, Habib Torkhani.
Détails de l’affaire et poursuites en cours
Cette décision intervient après que Sihem Bensedrine a fait appel de la décision du premier juge d’instruction du Pôle Judiciaire Économique et Financier, qui avait refusé sa libération dans une affaire liée au rapport final de l’Instance Vérité et Dignité.
Le juge d’instruction avait émis un mandat de dépôt à son encontre le 1ᵉʳ août 2024, sur la base d’une plainte déposée par un employé de l’Instance, qui l’accusait de falsification du rapport final de l’Instance.
Il est à noter que Sihem Bensedrine a entamé une grève de la faim de 14 jours et a été transférée à l’hôpital après la détérioration de son état de santé, en protestation contre son arrestation arbitraire et le refus de ses droits fondamentaux, y compris des soins médicaux urgents et des conditions de détention inhumaines.
Multiples affaires judiciaires contre Bensedrine
Sihem Bensedrine fait face à six affaires devant le Pôle Judiciaire Économique et Financier, toutes liées à sa gestion de l’Instance Vérité et Dignité. La plus importante concerne les accusations de falsification du rapport final de l’Instance, notamment la partie relative au litige entre l’État tunisien et la Banque franco-tunisienne, un conflit qui a été résolu en faveur de la Tunisie par arbitrage international.
Malgré sa libération, elle reste sous contrôle judiciaire avec une interdiction de voyage, en attendant la fin des enquêtes dans cette même affaire.
Poursuites judiciaires à caractère revanchard contre les figures de la justice transitionnelle
L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie considère que la poursuite judiciaire contre Sihem Bensedrine constitue un acte de représailles évident en raison de son rôle en tant que présidente de l’Instance Vérité et Dignité, l’organisme chargé de mener le processus de justice transitionnelle en Tunisie.
L’Instance travaillait à préparer des dossiers juridiques visant à poursuivre les responsables de violations des droits de l’homme et d’actes criminels sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali. L’Observatoire estime que le ciblage de Sihem Bensedrine est une tentative de règlement de comptes politiques et un obstacle au processus de justice transitionnelle, qui vise à révéler la vérité et à tenir les responsables pour comptables de leurs actes.
L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie salue la libération et appelle à la libération des autres prisonniers politiques
L’Observatoire Liberté pour la Tunisie se félicite de cette avancée positive, mais insiste sur le fait que la libération de Sihem Bensedrine doit marquer le début d’une révision globale de la situation des prisonniers politiques en Tunisie.
L’Observatoire appelle à :
- La libération de tous les prisonniers politiques restants, en particulier les personnes âgées et celles souffrant de maladies chroniques.
- Garantir un procès équitable et transparent, respectant le principe de la présomption d’innocence.
- Lever toute restriction arbitraire sur la liberté de mouvement, sauf en cas de preuves solides justifiant une interdiction de voyager.
- Assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire et empêcher son instrumentalisation à des fins de règlement de comptes politiques ou de persécution des militants des droits de l’homme et des opposants.