Skip links

Inquiétudes sur le sort de Ghazi Chaouachi : les autorités dissimulent son état de santé et procèdent à une opération chirurgicale en secret

17 juillet 2025 – Mise à jour – Le prisonnier politique Ghazi Chaouachi a subi en urgence une intervention chirurgicale à l’estomac à l’hôpital Bougatfa de Bizerte, sans que ni sa famille ni son avocat n’en soient informés au préalable. C’est par hasard que sa famille a appris l’opération, à la suite d’une publication de son fils, Elyes, dans laquelle ce dernier indiquait que son père avait « subi une opération alors qu’il était menotté et sous haute surveillance ». Les autorités tunisiennes n’ont émis aucune déclaration officielle précisant les circonstances de l’intervention ni les raisons de l’absence de la famille, alimentant ainsi l’inquiétude croissante de ses proches et de ses soutiens.

Selon les témoignages de la défense, Ghazi Chaouachi s’était plaint, les jours précédents, de fortes douleurs abdominales et avait demandé à être examiné en prison. Après diagnostic, les médecins ont décidé de procéder à une opération en urgence, sous anesthésie générale. D’après des sources proches de la famille, Chaouachi aurait signé un formulaire de consentement après avoir été informé des risques encourus, notamment des complications pouvant entraîner la mort — mais sans qu’aucun membre de sa famille ni son avocat n’aient été avertis. Il a passé la nuit à l’hôpital enchaîné et placé sous surveillance renforcée, avant d’être renvoyé à la prison de Nadhour une fois son état stabilisé.

Violations multiples du droit international et des engagements de la Tunisie

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie considère que le fait de ne pas informer la famille et les avocats de Ghazi Chaouachi de l’évolution de son état de santé, et de lui faire subir une intervention chirurgicale urgente sans les en avertir, constitue une violation grave des droits des personnes détenues.

L’article 14 de la loi n° 52 de 2001 relative au régime pénitentiaire stipule que la famille d’un détenu doit être informée de tout transfert. Or, ces derniers mois, plusieurs transferts inopinés de prisonniers politiques, dont celui de Chaouachi de la prison de Mornaguia à celle de Nadhour, ont eu lieu sans notification ni justification claire.

Article 14 – L’administration pénitentiaire doit informer, dès l’admission et à chaque transfert, les ascendants, descendants, frères, sœurs ou conjoint du détenu, selon le choix de ce dernier. Chaque détenu doit également désigner, à son admission, une personne à prévenir en cas d’urgence.

Au niveau international, les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela) garantissent le droit à l’information immédiate des proches en cas de grave problème de santé ou de transfert du détenu. Elles affirment aussi le droit à des soins médicaux équivalents à ceux dont bénéficie la population générale, sans discrimination. Dans le cas de Chaouachi, malgré la prise en charge médicale, le fait d’être enchaîné à son lit d’hôpital et privé de tout contact avec sa famille constitue une violation flagrante de ces normes internationales.

L’Observatoire souligne que priver une famille d’informations sur l’état de santé de son proche détenu constitue non seulement une souffrance psychologique mais aussi une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant, surtout lorsqu’il est délibéré. Cela est interdit par la Convention internationale contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui imposent un traitement humain et digne des personnes privées de liberté.

Ce qui est arrivé à Ghazi Chaouachi n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit dans une pratique systématique mise en place par les autorités tunisiennes depuis le 25 juillet 2021, visant à cibler les opposants politiques. L’Observatoire a documenté des violations récurrentes, telles que les transferts arbitraires de prisonniers, les conditions de détention dégradantes, et la privation de contact familial, y compris lors d’interventions médicales menées sans garanties de dignité ni droit à l’information. Ces pratiques visent à briser le moral des prisonniers politiques et à intimider leurs familles, marquant une dérive grave des engagements de la Tunisie en matière de droits humains.

Partager

Plus d'articles

Agissez et contribuez à mettre fin à l'injustice !

Pétition en ligne : Liberté pour les prisonniers d’opinion et les militants en Tunisie !

La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.