Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, Volker Türk, a exprimé jeudi sa profonde préoccupation face aux peines sévères et longues récemment prononcées contre 37 personnes en Tunisie dans le cadre de la soi-disant affaire de « complot », les qualifiant de grave recul pour la justice et l’État de droit.
M. Türk a déclaré : « La procédure judiciaire a été entachée de violations graves des droits à un procès équitable et des garanties du droit à une procédure régulière, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant aux motivations politiques du procès. »
Les accusés, poursuivis en vertu de la loi antiterroriste et du code pénal, comprennent un certain nombre de figures publiques et politiques de premier plan en Tunisie. Ils ont été inculpés de chefs d’accusation vagues et généraux, tels que la formation d’une organisation terroriste, la planification d’actes terroristes, le financement du terrorisme et le complot contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État. Les peines prononcées vont de 4 à 66 ans de prison.
Le Haut-Commissaire a noté que huit des accusés étaient détenus en détention provisoire depuis février 2023, dépassant ainsi la limite légale de 14 mois prévue par le Code de Procédure Pénale, et que l’accès à leurs avocats avait été restreint. Les audiences ont eu lieu en 2025, et les détenus n’ont pas été autorisés à comparaître physiquement devant le tribunal, étant contraints de participer à distance via des sessions virtuelles, en vertu d’une législation adoptée pendant la pandémie de COVID-19 sans approbation parlementaire.
Le procès s’est déroulé dans un climat d’opacité. Les preuves n’ont pas été présentées publiquement, et les accusés comme leurs avocats n’ont pas pu les examiner ni en débattre en toute transparence. Plusieurs journalistes, représentants de la société civile et diplomates se sont vu refuser l’accès aux audiences.
Les avocats de la défense ont souligné que les accusations étaient largement fondées sur des réunions politiques organisées par les accusés dans le cadre de leur activité d’opposition, ainsi que sur des rencontres avec des ressortissants étrangers, y compris des diplomates, des actes qui ne constituent en aucun cas une infraction, et que l’engagement dans les affaires publiques ne saurait être assimilé à des actes terroristes.
Dans un développement alarmant, l’avocat Ahmed Souab, membre de l’équipe de défense, a été arrêté et inculpé pour des faits liés au terrorisme en raison de déclarations qu’il aurait faites après les verdicts, ce qui soulève d’autres interrogations quant à la capacité des avocats à exercer leur profession librement et en toute sécurité.
M. Türk a appelé à garantir à tous les prévenus l’exercice complet de leurs droits légaux lors du processus d’appel, et a insisté sur la nécessité d’abandonner les charges qui ne reposent pas sur des preuves suffisantes de faute réelle.
Il a également réitéré son appel aux autorités tunisiennes pour qu’elles mettent fin aux arrestations et aux poursuites à motifs politiques, qu’elles libèrent immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits de l’homme, les avocats, les journalistes, les militants et les hommes politiques qui sont détenus arbitrairement, et qu’elles garantissent le respect de leurs droits fondamentaux, y compris la liberté d’opinion et d’expression.
Le Haut-Commissaire a conclu sa déclaration en affirmant : « La détention préventive doit rester une mesure exceptionnelle, dans le respect des limites légales. J’appelle également la Tunisie à cesser d’utiliser des législations trop larges sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme pour faire taire les voix dissidentes et restreindre l’espace civique, et à revoir ces lois afin qu’elles soient conformes aux normes internationales en matière de droits humains. »
Il a ajouté : « La Tunisie a été un modèle et une source d’inspiration pour de nombreux pays à la suite de sa transition politique en 2011, et j’espère qu’elle retrouvera bientôt le chemin de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains. »