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Tunisie : Les poursuites continues contre les journalistes menacent ce qui reste de la liberté des médias

Des journalistes tunisiens brandissent des banderoles appelant à la liberté de la presse devant le siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) à Tunis, le 5 mai 2022. (Photo : Fathi Belaid / AFP)

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a condamné dans un communiqué les poursuites judiciaires visant des journalistes en Tunisie, exprimant sa profonde préoccupation face à l’escalade des pressions sécuritaires et judiciaires menaçant la liberté des médias. La Fédération a rejeté la convocation du journaliste Hachemi Nouira par l’unité judiciaire de Moknine, suite à une plainte déposée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) en raison de ses déclarations sur les dernières élections présidentielles, diffusées sur la chaîne « 9 ». La Fédération a estimé que ces mesures visent à restreindre le droit des journalistes à exprimer leurs opinions et à exercer leur rôle de contrôle sur le processus électoral.

Cette condamnation de la FIJ s’inscrit dans un contexte marqué par une série d’autres convocations. Plusieurs journalistes ont été convoqués en raison de leurs activités médiatiques : la journaliste Khawla Boukrim a été interrogée pour une présumée agression sur un agent de sécurité lors de la couverture d’une manifestation (elle était présente en tant que prévenue), un photojournaliste a été arbitrairement détenu et son matériel confisqué alors qu’il filmait devant le ministère de la Justice (son matériel a été saisi après un reportage sur des procès), et la journaliste Rahma Bahi a été convoquée devant l’Unité nationale d’enquête sur les crimes financiers complexes en tant que témoin.

Selon le Syndicat national des journalistes tunisiens, le nombre de renvois judiciaires contre les journalistes en 2024 s’élève à 37 affaires, avec l’application de textes légaux punitifs en dehors du cadre de la législation régissant le travail journalistique. Le syndicat a souligné dans un communiqué que ces pratiques menacent la liberté de la presse et visent à limiter les critiques publiques à l’encontre des autorités. La FIJ et le syndicat ont appelé les autorités tunisiennes à cesser leurs poursuites et à respecter le droit des journalistes d’exercer leur métier sans harcèlement ni menaces.

Dans un communiqué ferme, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a exhorté les autorités tunisiennes à respecter la liberté de la presse, à mettre fin aux poursuites contre les journalistes et à garantir que le pouvoir judiciaire ne soit pas utilisé pour persécuter les professionnels des médias. Elle a exprimé sa pleine solidarité avec les journalistes tunisiens, qualifiant ces pratiques de « contraires aux obligations internationales de la Tunisie en matière de protection de la liberté de la presse ».

Photo externe : Tunis, 5 mai 2022 (Fathi Belaid / Agence France-Presse – AFP)

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.