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Peine de 15 ans de prison contre Sahbi Atig : une liquidation politique sous couvert judiciaire

Peine de 15 ans de prison contre Sahbi Atig : une liquidation politique sous couvert judiciaire

Tunis, le 20 juin 2025 – Le jeudi 19 juin, la Chambre Criminelle du Tribunal de Première i-Instance de l’Ariana a condamné le dirigeant du party Ennahdha, Sahbi Atig, à 15 ans de prison. Ce verdict a été prononcé sur la base d’accusations liées à la « constitution d’une entente en vue de blanchir de l’argent », à « l’exploitation de sa position professionnelle et sociale », à la « détention illégale de devises étrangères » et au « faux témoignage ». Deux autres accusés ont écopé de la même peine, tandis qu’un ancien gouverneur a été condamné à deux ans de prison.

Contexte de l’affaire :

L’affaire remonte à 2017, à la suite d’un témoignage déposé par l’un des prévenus dans un autre dossier, accusant Sahbi Atig d’avoir dirigé un réseau de blanchiment d’argent via des intermédiaires libyens. L’équipe de défense a fermement contesté l’existence de la moindre preuve matérielle étayant ces allégations, soulignant l’absence de documents comptables ou justificatifs concrets. Le dossier est resté inactif pendant plusieurs années avant d’être relancé dans le cadre d’un règlement de comptes politique systématique postérieur au 25 juillet 2021, dans un climat de répression accrue contre les opposants et les syndicalistes.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie estime que cette affaire présente tous les signes d’une instrumentalisation politique, en particulier en raison de l’absence d’éléments probants et de rapports d’enquête fondés sur des faits concrets. Le recours à des chefs d’accusation graves tels que le « blanchiment d’argent » ou la « constitution d’une entente » contre une figure majeure de l’opposition politique s’inscrit dans une stratégie de persécution des leaders opposants, en l’absence des conditions minimales d’un procès équitable. L’Observatoire rappelle que Sahbi Atig est détenu depuis plus de deux ans, et que ses demandes de mise en liberté provisoire ont été systématiquement ignorées, en violation manifeste des normes internationales.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie appelle à :

  • La libération immédiate de Sahbi Atig et de l’ensemble des prévenus dans cette affaire à motivation politique ;
  • L’ouverture d’une enquête indépendante sur les origines du dossier et les circonstances de sa réactivation après des années de stagnation ;
  • Le respect des normes internationales en matière de procès équitable et de présomption d’innocence ;
  • La fin de l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire à des fins d’élimination politique et d’intimidation des voix dissidentes ;
  • La garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire et la levée de toute pression politique ou sécuritaire sur les magistrats.

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.