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Rapport complet sur les candidats à l'élection présidentielle tunisienne 2024, la situation juridique et les positions internationales

La Tunisie se prépare à des élections présidentielles (2024) sombres, dans un climat terni par des restrictions légales et politiques, ainsi que par des poursuites judiciaires à l’encontre des opposants à Kais Saïed, l’actuel président. Suite au coup d’État constitutionnel auto-infligé par Saïed le 25 juillet 2021, qui a plongé le pays dans une instabilité politique et économique, il a réussi à concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. Saïed a ainsi empêché l’émergence de concurrents sérieux pour le scrutin du 26 octobre prochain, exploitant l’Instance supérieure indépendante des élections et ses membres (sous la présidence de Farouk Bouaskar), ainsi que certains mécanismes judiciaires pour préparer des accusations et poursuivre plusieurs de ses adversaires. Toutes ces formes de répression ont impacté le climat électoral, marqué par la peur et l’incertitude, nuisant à l’intégrité du processus électoral et entraînant l’exclusion de plusieurs candidats importants.

1. Les candidats et la situation juridique

État : En prison - Peine de huit mois

Secrétaire général du Parti de l'Union populaire républicaine. Il a purgé une peine de 8 mois de prison pour des accusations de corruption financière et de mauvaise gestion des ressources. Malgré ses tentatives légales pour contester les décisions à son encontre, sa situation juridique difficile a entravé sa participation à la course électorale.

État : Libéré avec poursuites judiciaires

Écrivain et homme politique indépendant connu pour ses positions critiques à l'égard de Kais Saïed, Safi Said fait face à de nombreuses accusations et a été convoqué à plusieurs reprises pour être interrogé suite à des déclarations publiques où il critiquait le système politique actuel, suscitant la colère des autorités. Il a été arrêté plus tôt pour avoir tenté de franchir illégalement la frontière tuniso-algérienne, puis relâché. Un jugement le condamne à quatre mois de prison en juin 2024 pour falsification de signatures lors de sa candidature à la présidentielle de 2014.

Source: 

État : À l'étranger et recherché pour enquête

Ancien ministre sous le président déchu Zine El Abidine Ben Ali, il est confronté à plusieurs accusations, notamment de conspiration contre la sécurité de l'État et d'incitation à la rébellion contre le régime actuel. Znaidi est également accusé de formation d'un groupe terroriste et d'incitation à y adhérer, ainsi que de conspiration pour changer le système de l'État, en plus de la diffusion de la peur et du chaos parmi la population par le biais de vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Bien qu'il ait tenté de se porter candidat à la présidentielle, sa situation juridique complexe et les enquêtes en cours l'ont empêché de participer activement et il figure sur la liste des personnes recherchées par la justice tunisienne.

État :

Après avoir été accepté comme candidat préliminaire à la présidence, Ayachi Zamali a été condamné à un an et huit mois de prison pour falsification des soutiens populaires, ce qui a conduit à son retrait effectif de la course.

Source: 

État : En prison

Ancien secrétaire général du Parti du Courant démocrate, il fait face à des accusations liées à ce qui est connu sous le nom de l’affaire de "conspiration contre la sécurité de l'État". Après avoir ouvertement critiqué le gouvernement précédent (Najla Bouden), il a été condamné sous de nouvelles lois visant à restreindre la liberté d'expression (décret 54). Il a été arrêté en février 2023 dans le cadre de ces accusations, qui font partie d'une série de mesures juridiques touchant plusieurs personnalités politiques en Tunisie après 2021. Bien qu'il soit en prison, Chaouachi a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle prévue en octobre 2024. Dans sa déclaration électorale publiée depuis sa cellule, il a indiqué que sa candidature survient dans un contexte d'"tensions" en Tunisie, en insistant sur les réformes économiques et politiques nécessaires. Il a affirmé sa détermination à défendre ses droits civils et politiques malgré ce qu'il qualifie de répression. Il a également introduit des recours d'urgence contre les autorités qui ont refusé de lui délivrer des documents légaux nécessaires à sa candidature, tels que le bulletin de condamnation (bulletin n°3) et les formulaires de soutien populaire.

Source: 

État : Hors du pays et recherché pour enquête

Imad Daimi est un homme politique tunisien et un activiste dans la lutte contre la corruption. Il a été directeur du cabinet de l'ancien président Moncef Marzouki et est le fondateur de "Marsad Rogaba", qui se concentre sur la révélation des affaires de corruption au sein des institutions gouvernementales.En 2024, Daimi a été confronté à des accusations de fraude et de falsification de certificats après que sa candidature aux élections présidentielles ait été rejetée. Son dossier a été transmis au parquet pour des accusations de tromperie et de dissimulation de son statut légal concernant son interdiction de se présenter. Daimi a nié ces accusations et a déposé des plaintes auprès des tribunaux tunisiens et des Nations Unies.

Source: 

État : En prison - Plusieurs affaires en cours

Présidente du Parti destourien libre en Tunisie, elle a été incarcérée suite à une décision judiciaire rendue en août 2024. Ces condamnations sont liées à diverses accusations, dont "atteinte à l’Instance supérieure indépendante des élections" et "traitement de données personnelles sans autorisation", ainsi que des accusations concernant "la perturbation de la liberté de travail et l'incitation au désordre". Moussi a été arrêtée alors qu'elle tentait de contester légalement un décret présidentiel concernant les prochaines élections locales. Bien qu'elle fasse face à une peine de deux ans de prison, ses partisans estiment que ces accusations sont politiques et visent à l'empêcher de participer à l'élection présidentielle.

Source: 

2. Exclusions et réintégration de certains candidats

L’Instance supérieure indépendante des élections a exclu plusieurs candidats sur la base de problèmes juridiques et d’accusations diverses. Certains candidats ont interjeté appel devant le tribunal administratif, qui a rendu des décisions en leur faveur. Toutefois, l’instance a refusé de se conformer à certaines de ces décisions, ce qui a compliqué davantage la situation électorale et soulevé des questions sur la transparence du processus électoral.

Saïed a empêché l’émergence de concurrents sérieux pour le scrutin du 26 octobre prochain, exploitant l'Instance supérieure indépendante des élections et ses membres (sous la présidence de Farouk Bouaskar), ainsi que certains mécanismes judiciaires pour préparer des accusations et poursuivre plusieurs de ses adversaires.

3. Réactions internationales

Organisations de droits humains

Des organisations internationales telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch ont exprimé leur inquiétude face à la détérioration des libertés en Tunisie. Selon les rapports de ces organisations, plus de 70 personnes, dont des politiques, des journalistes et des défenseurs des droits humains, ont été arrêtées depuis la fin de 2022. Ces arrestations ont suscité des inquiétudes quant à la dégradation de la situation des droits de l’homme et de la liberté d’expression dans le pays.

Union européenne et États-Unis

L’Union européenne a manifesté son inquiétude concernant la situation en Tunisie, en particulier les restrictions aux libertés, et a considéré que les poursuites judiciaires contre les candidats et les journalistes nuisent à la confiance dans le processus démocratique. Les États-Unis ont également appelé à garantir des élections libres et transparentes, exhortant le gouvernement tunisien à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

4. Restrictions sur les médias

La Tunisie connaît une régression de la liberté de la presse. Plusieurs journalistes ont été arrêtés et accusés sous de nouvelles lois, comme le décret 54 sur la cybercriminalité. Ce décret prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans pour la publication de “fausses informations” ou la critique des responsables gouvernementaux de manière considérée comme “nuisible à la sécurité nationale”. Cette répression médiatique a suscité de vives condamnations de la part d’organisations internationales de défense des droits humains.

5. Amendement de la loi électorale

Dans une étape supplémentaire visant à contrôler les résultats des élections et à éviter toute contestation de sa victoire attendue, le président a exclu le Tribunal Administratif de l’examen des litiges électoraux. Après avoir lancé une campagne médiatique contre le Tribunal Administratif – suite à sa décision de réintégrer un certain nombre de candidats exclus par la Commission électorale – le 27 septembre, lors d’une session d’urgence, le Parlement a approuvé un amendement à la loi électorale quelques jours avant la date des élections présidentielles. La loi a retiré au Tribunal Administratif l’autorité de statuer sur les litiges électoraux et l’a transférée aux tribunaux ordinaires.  
 
Plusieurs organisations ont exprimé leur rejet de cet amendement, notamment l’Association des Juges, qui a dénoncé cet amendement comme une violation « des principes de l’État de droit, des principes de la démocratie et des fondements du système républicain, ainsi qu’une atteinte grave aux compétences initialement assignées à la justice administrative et financière, avec de graves répercussions sur l’intégrité du processus électoral et sur le statut et l’efficacité du système judiciaire. »

6. Mise à jour : Résultats des élections 

Comme prévu, l’Autorité supérieure des élections a annoncé la victoire du président sortant, Kaïs Saïed, avec une majorité absolue des voix atteignant 90 %. Par rapport aux résultats des élections présidentielles de 2019, le nombre de ses électeurs a diminué de 12,2 % malgré sa victoire au premier tour. Le taux de participation était faible, à 28,8 %, le plus bas depuis la révolution de 2011.  
 
Les résultats ont montré que le taux d’abstention dépassait 70 % du total des inscrits, tandis que le taux de participation des jeunes (18-35 ans) n’a pas dépassé 6 %, en partie à cause de l’appel au boycott lancé par les forces politiques et les partis.  
 
Les résultats ont été largement critiqués par l’opposition et les organisations de la société civile, qui ont décrit le processus comme antidémocratique. Sur le plan international, la plupart des pays se sont abstenus de féliciter le président pour sa victoire. Parmi les rares pays à l’avoir félicité figurait l’Algérie, où le président Abdelmadjid Tebboune a envoyé un message de félicitations, tandis que de nombreux autres pays sont restés silencieux, reflétant les inquiétudes internationales concernant le chemin démocratique de la Tunisie.

Conclusion

Les élections présidentielles de 2024 en Tunisie font face à de grands défis, liés à l’exclusion de nombreux candidats et à l’aggravation des crises juridiques et politiques. Les critiques internationales croissantes émanant des organisations de défense des droits humains et des pays étrangers reflètent l’inquiétude quant à l’avenir de la démocratie en Tunisie, avec des demandes continues pour garantir des élections libres et transparentes et le respect des libertés fondamentales.

Agissez et contribuez à mettre fin à l'injustice !

Pétition en ligne : Liberté pour les prisonniers d’opinion et les militants en Tunisie !

La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.