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Incapable d’entendre ou de voir à la suite d’un AVC : arrêtez immédiatement le procès de Habib Ellouz !

7 juillet 2025 – État de santé et conditions de détention de Habib Ellouz :

Habib Ellouz, dirigeant du parti Ennahdha âgé de 71 ans, est détenu en attente de jugement depuis mars 2023, malgré de graves problèmes de santé qui se sont aggravés au cours de sa détention.

Ancien député et membre du Conseil consultatif d’Ennahdha, Habib Ellouz se trouve dans un état critique. Il a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) durant sa détention, qui a provoqué une perte de l’ouïe et une détérioration sévère de la vision. Il est désormais en fauteuil roulant et quasiment incapable d’assister à son procès.

Lors d’une audience tenue par la Cinquième Chambre Criminelle le 24 juin 2025, dans le cadre de l’affaire dite « Complot contre la sûreté de l’État 2 », Ellouz est apparu à l’écran depuis la prison et a déclaré au juge : « Je n’entends plus et je ne vois presque plus », demandant que quelqu’un lui explique ce qui se passe. Ses propos reflétaient son incapacité totale à suivre le procès en raison de ses troubles liés à l’AVC. Le tribunal a ignoré cet appel urgent, provoquant la stupéfaction de la défense.

La dégradation de son état n’est pas une surprise : son avocate, Ines Harrath, avait alerté dès mars 2023 sur la gravité de sa situation. Elle avait révélé qu’il avait subi un « AVC léger » en détention à Bouchoucha, accompagné d’une forte hypertension. Des symptômes alarmants, tels qu’un engourdissement d’un bras et d’une jambe, avaient justifié une hospitalisation. Mais les autorités ont exigé qu’il soit menotté pour le transfert, ce qu’il a refusé catégoriquement, considérant que cela portait atteinte à sa dignité et à son statut de prisonnier politique, non de criminel. Il avait même menacé d’entamer une grève de la faim jusqu’à la mort lorsque l’administration pénitentiaire avait tenté de le forcer à se raser la barbe et de lui faire enlever sa robe traditionnelle (jebba), ce qu’il a vécu comme une humiliation délibérée à l’égard de son identité de prisonnier religieux et politique.

Une audience marquée par des atteintes graves

Lors de la dernière audience, les violations à son encontre se sont intensifiés. En plus du refus du juge de répondre à ses demandes d’explication, Ellouz n’a pas pu voir ni entendre ses avocats ni suivre les plaidoiries en raison du système de visioconférence.
Maître Ines Harrath, membre de la défense, a précisé que les accusés jugés à distance « ne voient que le banc des juges à l’écran, sans voir leurs avocats ni entendre leurs arguments », en raison de l’absence de micros adaptés. Elle a qualifié ces conditions d’absurdes, rendant la présence des avocats « vide de sens », les empêchant de communiquer avec leurs clients ou d’assurer une défense efficace.

Face à cette mascarade, Ines Harrath a annoncé son retrait de la défense de Habib Ellouz, qualifiant l’audience de « scandale » et de « conditions de procès déraisonnables » qui ne répondaient pas aux exigences minimales d’un procès équitable. Elle a documenté les raisons de son retrait devant le juge et le public, déclarant : « Ceci n’est pas un procès » et demandant que sa déclaration soit consignée dans le procès-verbal, en précisant que son client “n’entend pas, voit à peine, ne peut pas suivre à distance et ne comprend pas ce qui se passe”. Le tribunal a ignoré le fond de cette protestation légitime, poussant les autres avocats à demander un report, jugeant impossible d’assurer une défense dans de telles conditions.

Une atteinte flagrante à la dignité humaine

Le maintien du procès d’un homme âgé, quasiment sourd et aveugle, via visioconférence, au lieu de l’amener en personne devant le tribunal avec des aménagements adaptés à sa condition, constitue une violation manifeste de sa dignité et de ses droits fondamentaux, en plus de mettre en danger sa santé déjà dégradée.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie appelle les autorités tunisiennes à :

  • Libérer immédiatement Habib Ellouz, ou au moins suspendre son procès jusqu’à ce qu’il se rétablisse, compte tenu de la gravité de son état de santé et de son incapacité actuelle à suivre la procédure judiciaire. La loi autorise la libération pour raisons médicales ou le report des procès pour raisons humanitaires, et rien ne justifie de le maintenir en détention alors qu’il est incapable d’entendre ou de voir correctement.
  • Lui fournir des soins médicaux appropriés et urgents, incluant un transfert dans un hôpital spécialisé si nécessaire, tout en respectant ses choix personnels et sa dignité. Aucun traitement humiliant ne doit être imposé comme condition de soins.
  • Garantir les conditions d’un procès équitable pour tous les accusés dans les affaires à caractère politique, notamment en les autorisant à comparaître physiquement et à interagir avec leurs avocats, dans des conditions assurant qu’ils soient entendus et compris. L’usage abusif des procès à distance comme moyen d’isoler politiquement les détenus ou de restreindre leur droit à la défense doit cesser immédiatement.
  • Ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les allégations de négligence médicale et de mauvais traitements subis par Habib Ellouz pendant sa détention, et tenir pour responsables les auteurs de violations. L’impunité alimente les abus et sape la confiance dans le système judiciaire.
  • Respecter la Constitution tunisienne et les conventions internationales dans le traitement des prisonniers politiques, en particulier :
    • l’article 25 de la Constitution (protection de la dignité humaine et interdiction de la torture),
    • l’article 36 (traitement humain des détenus),
    • et l’article 43 (droit à la santé).

Le respect de ces dispositions n’est pas un privilège, mais plutôt un devoir constitutionnel auquel l’État doit se conformer en toutes circonstances.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie tient les autorités judiciaires, l’administration pénitentiaire, le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, et le Président de la République – en tant que chef de l’exécutif – pleinement responsables de l’état de santé critique de Habib Ellouz.
Il les appelle à réviser d’urgence leurs politiques envers les prisonniers politiques, en respectant leur dignité, en garantissant un procès équitable, en assurant des soins adaptés, et en mettant fin aux traitements dégradants infligés à plusieurs figures de l’opposition depuis juillet 2021.

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Pétition en ligne : Liberté pour les prisonniers d’opinion et les militants en Tunisie !

La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.