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Procès de Sonia Dahmani reporté dans une deuxième affaire : le décret 54 cible à nouveau la liberté d’expression

Tunis, le 9 juin 2025 – La Sixième Chambre Pénale du Tribunal de Première Instance de Tunis a décidé mercredi de reporter au 16 juin l’audience dans l’affaire visant l’avocate et journaliste Sonia Dahmani, dans le cadre d’une poursuite engagée en vertu du décret-loi n° 54 relatif à la lutte contre les infractions liées aux systèmes d’information et de communication.

Le juge d’instruction auprès du Tribunal de Première Instance avait auparavant décidé de renvoyer Sonia Dahmani devant le tribunal, tout en la maintenant en liberté sous caution. Cette décision fait suite à des propos qu’elle avait tenus dans une émission médiatique, considérés comme constituant des “fausses rumeurs” et des “atteintes à autrui”, selon l’article 24 du même décret.

Une série de poursuites dans un climat hostile aux libertés

Sonia Dahmani a été arrêtée en mars 2024, dans un contexte marqué par une répression accrue des voix dissidentes exprimant des critiques à l’égard des politiques du gouvernement. Depuis cette date, elle fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires, principalement fondées sur des accusations à caractère politique, notamment l’usage de systèmes d’information pour diffuser de prétendues “fausses nouvelles” ou “attribuer de fausses informations à des responsables publics”.

Ce procès s’inscrit dans une dynamique persistante de harcèlement à l’encontre de Sonia Dahmani. En détention, elle a subi de mauvais traitements, s’est vu refuser l’accès aux soins médicaux et, à certains moments, a été empêchée de rencontrer son avocat ou de communiquer avec sa famille. Cela constitue une violation manifeste du droit tunisien ainsi que des normes internationales relatives au traitement des personnes détenues.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie considère que le procès de Sonia Dahmani fait partie d’un processus systématique de criminalisation de la liberté d’expression en Tunisie, et que le décret-loi n° 54 est utilisé comme un instrument juridique pour faire taire les voix critiques, à travers des accusations vagues ne répondant à aucun critère précis de protection des droits fondamentaux. L’Observatoire estime que la détention prolongée de Dahmani et la dégradation de ses conditions de détention constituent une double atteinte à son droit à la liberté et à son intégrité physique. Il tient la justice responsable de tout préjudice physique ou psychologique qu’elle pourrait subir.

L’Observatoire pour la Liberté en Tunisie appelle à :

  1. La libération immédiate de Sonia Dahmani ;
  2. La fin de l’utilisation de la justice pour intimider les journalistes et les avocats ;
  3. L’abrogation ou la révision du décret-loi n° 54 afin de garantir une protection effective de la liberté d’expression et du débat public dans le pays.

 

 

 

 

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La Tunisie n’est plus l’exception arabe qui a inspiré le monde en 2011 avec une révolution héroïque qui a renversé le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui a régné pendant près de 23 ans après avoir pris le pouvoir le 7 novembre 1987, lors d’un coup d’État contre Habib Bourguiba.

Dans une démarche similaire et peut-être plus dangereuse, dans la nuit du 25 juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a réalisé un “coup d’État constitutionnel” conformément à son interprétation personnelle de l’article 80 de la Constitution révolutionnaire de 2014, annonçant qu’il avait pris une série de mesures exceptionnelles en raison du “danger imminent” qui menace la Tunisie, sans fournir de détails ni de raisons.

Conformément à ces mesures, Saied a limogé le gouvernement et le premier ministre Hichem Mechichi qui était présent au Conseil de sécurité nationale ce soir-là au palais de Carthage, et a affirmé avoir contacté le président du Parlement Rached Ghannouchi (chef du parti Ennahdha) pour le consulter conformément à ce qui est stipulé par la constitution, une affirmation que Ghannouchi a démenti puisque l’appel était général et ne comprenait rien au sujet des mesures exceptionnelles ou d’une quelconque consultation sur la question. Le président a suspendu le Parlement, puis l’a dissous en mars 2022, et ce, simplement quelques jours après avoir admis publiquement qu’il n’avait pas les capacités légales de ce faire, en réponse à une session plénière en ligne du Parlement lors de laquelle les députés ont abrogé les décrets publiés par Monsieur Saied depuis son coup d’État.

Non seulement Saied a cherché à contourner ses pouvoirs et les articles de la Constitution, qu’il a juré de protéger devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais il a également démis de ses fonctions et modifié la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature après avoir redéfini le pouvoir judiciaire comme une “fonction” plutôt que comme une autorité indépendante. Il a également remplacé les membres de l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Élections en vue du référendum qu’il a organisé pour voter sur une constitution qu’il a rédigée lui-même après avoir rejeté les propositions du comité de rédaction qu’il avait lui-même nommé. Des élections législatives ont ensuite été organisées en deux tours, pour lesquelles le taux de participation n’a pas dépassé 8 % du nombre total d’électeurs, la Commission électorale annonçant par la suite qu’il avait atteint 11 %, soit le taux de participation le plus faible en Tunisie et dans le monde.

Le 11 février, le régime du président Saied a lancé une campagne de protestation qui n’a pas cessé depuis, contre des dirigeants politiques, des personnalités des médias, des journalistes, des juges et des hauts fonctionnaires, pour des accusations de “complot contre la sécurité de l’État et d’acte offensant contre le président de la République”, en plus d’autres accusations qui ont été transmises au parquet militaire, ce qui amène à s’interroger sur l’implication de l’armée tunisienne dans les actions entreprises par Saied.

Les arrestations arbitraires ont été entachées de plusieurs vices de procédure, ce qui a suscité des critiques de la part d’organisations internationales et d’observatoires de premier plan dans le domaine des droits de l’homme. Les normes relatives à la durée et aux conditions de litige et de détention n’ont pas été respectées. Les poursuites et le harcèlement se sont parfois étendus aux familles des détenus, et aucune preuve, et dans de nombreux cas, aucune accusation, n’a été présentée contre eux.

En outre, les syndicats et les partis politiques continuent d’être soumis à un harcèlement et à des restrictions, constants. Monsieur Saied continue de cibler tous les “corps intermédiaires” en les accusant de “collaboration” ou de “trahison”. Les associations de la société civile ont également fait l’objet de poursuites, d’arrestations arbitraires et de privation de représentation, dans un contexte de violence croissante au sein de la société due à l’adoption par les autorités de discours et de rhétorique racistes et discriminatoires incitant aux luttes intestines et portant atteinte à la dignité humaine.

Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, demandons ce qui suit :

  1. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques. Nous demandons également aux autorités tunisiennes de reconnaître les traités nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elles ont ratifiés.
  2. Nous demandons aux autorités tunisiennes de cesser de démanteler la démocratie naissante et de mettre fin aux procès et aux poursuites inéquitables contre les opposants politiques au régime et contre toute personne qui le critique.
  3. Nous appelons tous les militants et observateurs à rejoindre le mouvement national pour le rétablissement de la démocratie et la fin du régime autoritaire qui a ramené la Tunisie au despotisme, à l’injustice et aux violations des droits et des libertés.